Jeûne et prière.
Yluxe suivait sans mal la ligne de conduite qu'elle s'était donnée en l'absence de son époux parti lui chez les moines. Axer ne lui laissait cependant pas le loisir de faiblir et s'évertuait à la nourrir sainement. Elle s'exécutait, sachant que le valet n'avait qu'à cœur de contenter ses maîtres et Rethy devait sans doute lui avoir laissé des consignes strictes. D'autant plus qu'elle n'avait pas complètement chassé le mal qui l'avait prise quelques semaines plutôt et sa santé demeurait bien fragile depuis son agression. Elle s'était promis d'aller d'ailleurs consulter Vitruvio pour qu'il lui procure un remède fortifiant.
Une nuit, fatiguée de se retourner dans son lit sans trouver le sommeil, elle se leva discrètement, s'habilla s'une robe de laine sombre et sortit dans les rues de Marseille. Axer ne s'étant pas réveillé, elle cheminait seule. Les étoiles brillaient, de cette douce clarté qui apaise, ou inquiète.
Dans sa dernière missive, Rethy disait touner son regard vers le Sud. Guidée par sa voix qui résonnait dans sa tête, elle leva les yeux dans cette direction, à la recherche de cette communion qui les unissait même lorsqu'ils étaient loin l'un de l'autre. Elle avait pris l'habitude de ne sortir qu'accompagnée depuis sa mésaventure mais ce soir, tout semblait auréolé d'une aura douce et sereine. Elle ne frissonnait même pas au souffle du mistral caressant la peau de ses bras hérissant le fin duvet qui les couvrait. Les rues étaient désertes. même les tavernes semblaient vides. Le matin ne devait pas être loin.
Yluxe se dirigea vers le panthéon, initiative de son cher époux et construction de son fils...Pouik...aujourd'hui disparu.
Elle n'était jamais entrée malgré les différentes invitations de son époux. Par peur sans doute de voir les fantômes de ceux qu'elle avait aimés, de s'imprégner enfin l'idée qu'Aristote les avait conduit vers le Soleil. Ses fils et ses amis lui manquaient tant. Pouik, ce cher enfin chéri, parti à l'aventure et qui en était à peine revenu, ne figurait pas dans ce panthéon masis le bâtiment entier était habité par lui. Cette magnificence, ce goût de la grandeur, c'était tout lui. Toujours dans l'apparence...alors qu'au fond c'était un être si sensible.
L'édifice s'imposait, sombre et imposant dans la nuit de la cité. Elle s'arrêta sur le parvis prise d'un doute; et...de sa peur du noir. Elle n'avait même pas pris soin d'amener une chandelle: d'habitude, Axer pourvoyait toujours à ses besoins. Elle se maudit un instant d'avoir perdu sa bonne vieille habitude d'avoir toujours sur elle le nécessaire. Ah! qu'on devenait assisté en s'embourgeoisant.
Elle s'immobilisa cependant, elle ne remettrait pas sa visite. Le besoin d'entrer lui était devenu quasiment impérieux. Elle parvint à faire le tri dans son esprit et l'atmosphère du lieu l'imprégna totalement. Ses yeux par ailleurs s'étaient très bien accommodés à l'obscurité. Si elle n'avançait pas trop vite elle ne tomberait pas. Il lui suffisait simplement de dominer sa peur et de penser à ceux dont la mémoire était honorée ici.
Elle écarta les bras, pour éviter les obstacles qui pourraient l'entraver et bientôt on entendit le bruit de ses chausses résonner sur le dallage de la nef...